Les femmes dans le milieu du rhum : pionnières du goût et un avenir prometteur.

Qui a dit que le rhum était un monde d’hommes ? Certainement pas moi ! Le monde du rhum, riche de traditions et d’innovations, est aujourd’hui marqué par l’influence croissante des femmes, qui apportent expertise, créativité et nouvelles perspectives. De la distillation à la mixologie, en passant par la gestion et la commercialisation, les femmes sont devenues des acteurs incontournables de cet univers. Cet article met en lumière leur contribution essentielle à l’industrie du rhum, illustrant comment leur présence enrichit et transforme le secteur.

L’Histoire des femmes dans le monde du rhum.

Histoire et contribution des femmes dans le monde des spiritueux et du rhum

L’entrée des femmes dans le milieu des spiritueux et du rhum n’est pas un phénomène récent ; elle s’inscrit dans une longue histoire de contributions significatives, souvent méconnues, à l’industrie globale des spiritueux. Dès les origines de la distillation, les femmes ont joué des rôles cruciaux, bien que leur présence ait été éclipsée par les récits dominants centrés sur les hommes.

Historiquement, la distillation était considérée comme une extension de la cuisine, un domaine traditionnellement féminin, n’est-ce pas. Dans de nombreuses cultures, les femmes étaient responsables de la fermentation et de la distillation des boissons alcoolisées pour les besoins domestiques et médicinaux. Par exemple, au 17e siècle, les femmes en Europe étaient souvent aux commandes des alambics domestiques, produisant des eaux-de-vie et des remèdes à base d’alcool, et donc on comprend qu’elles n’étaient pas juste bonnes à préparer le thé.

Femme qui crée de l'alcool

Pionnières du Rhum

Les femmes ont joué un rôle crucial dans le développement de l’industrie du rhum, bien que leur contribution ait souvent été minimisée ou oubliée par l’histoire officielle, encore une fois. Leur implication s’étend de la gestion des plantations de canne à sucre, à la propriété et à la direction de distilleries, malgré les nombreuses restrictions sociales et légales qui leur étaient imposées.

Gestion des plantations de canne à sucre

An tan lontan, comme dirait l’autre, dans les Caraïbes et d’autres régions productrices de rhum, certaines femmes ont réussi à gérer des plantations de canne à sucre. Ces femmes, souvent veuves ou héritières, prenaient la relève de leurs maris ou pères décédés. Elles géraient non seulement l’agriculture de la canne à sucre, mais aussi les aspects financiers et commerciaux de la plantation. Cependant, ces cas étaient relativement rares et ces femmes faisaient face à d’importantes barrières sociales qui remettaient en question leur légitimité en tant que gestionnaires. C’est aussi pour cette raison qu’elles ont été raillées des livres d’histoires.

Restrictions sociales et légales

Les restrictions sociales et légales variaient selon les époques et les régions, mais elles limitaient généralement l’accès des femmes à la propriété et à l’indépendance financière quand leur couleur de peau n’était pas un frein à tout, tout simplement. Dans de nombreux cas, les lois empêchaient les femmes mariées de posséder des biens ou de conclure des contrats sans le consentement de leur mari. Ces restrictions rendaient difficile pour les femmes de devenir propriétaires de distilleries ou de plantations de canne à sucre par leurs propres moyens. Mais tan fè tan et après moult combats, nous sommes parvenues à nous imposer dans un milieu qui pensait faire sans nous.

Pionnières du goût

De la Jamaïque au Venezuela, des Antilles françaises à la Barbade, des femmes maîtres assembleurs, distillatrices, et marketeuses façonnent l’avenir du rhum avec savoir-faire et passion. Joy Spence, première femme à devenir master blender chez Appleton Estate en Jamaïque, incarne cette révolution. Avec une carrière débutée en tant que chimiste, Joy a su imposer sa vision et son palais exceptionnel pour créer des rhums reconnus mondialement.

Madame Vernant-Neisson, à la tête de la distillerie Neisson en Martinique, incarne parfaitement le rôle de pionnière dans l’industrie du rhum. Reconnue pour sa gestion exemplaire et son engagement envers la qualité exceptionnelle du rhum agricole, elle a su positionner Neisson comme une référence mondiale, prouvant que leadership et innovation peuvent se conjuguer au féminin dans le monde des spiritueux.

champ de cannes a sucre

Les femmes aujourd’hui dans le monde du rhum

Les femmes qui ont marqué le rhum

  1. Joy Spence de Appleton Estate (Jamaïque) : Première femme à accéder au titre de Master Blender en 1997, Joy Spence est célébrée pour son rôle pionnier dans l’industrie du rhum. Avec une formation initiale en chimie, elle a rejoint Appleton Estate en 1981 et a été inspirée par son professeur de chimie et l’ancien master blender, Owen Tulloch. Joy conseille aux aspirants maîtres assembleurs d’être passionnés, compétents, et d’avoir d’excellentes compétences sensorielles ainsi qu’un bon sens des relations publiques.
  2. Karine La Salle chez Rhums J.M (Martinique) : Rejoignant J.M en 2017 avec une expérience préalable à la distillerie HSE, Karine La Salle a su marier les méthodes traditionnelles à l’innovation. Elle a introduit des fûts neufs de chêne français et américain pour créer des mélanges uniques pour la gamme de rhums vieillis de J.M, en exploitant les caractéristiques distinctes de différents fûts.
  3. Carmen López de Bastidas de Ron Carúpano (Venezuela) : Première femme maître assembleur du Venezuela, Carmen a passé 32 ans à développer les profils aromatiques de Ron Carúpano. Avant de se consacrer au rhum, elle a obtenu son diplôme de chimie à Caracas et a été chargée de diriger le département de contrôle qualité de Destilería Carúpano en 1990. Carmen est fière d’être un exemple pour d’autres femmes dans l’industrie du rhum.
  4. Carmen Lopez de Bastidas, maître rhumière chez Carupano depuis 2016, a créé plus de 60 mélanges de rhum, y compris le « Legendario », élu meilleur rhum du monde au Congrès international du Rhum de Madrid en 2014. Son approche créative et sa sensibilité lui permettent de rechercher la beauté dans l’arôme et les saveurs, visant à créer des rhums avec une personnalité et des caractéristiques distinctes.
  5. Nancy Duarte, récemment devenue maître-rhumière chez Santa Teresa, a gravi les échelons grâce à ses capacités olfactives et gustatives exceptionnelles. Elle a commencé sa carrière en tant que technicienne en alimentation et a appris sur le tas, démontrant que le talent et la passion peuvent mener à des postes de haut niveau dans l’industrie du rhum.
  6. Stéphanie Dufour, maître de chais chez A1702, a commercialisé le premier rhum bio produit à l’habitation du même nom qui se situe au François, avant de relancer la distillerie Braud et Quenesson, médaillée, quelques mois seulement après la mise en vente de leur première cuvée.
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Créativité sans frontières

La créativité des femmes dans le monde des spiritueux n’est pas seulement une perception ; elle est soutenue par des études scientifiques démontrant que les femmes possèdent des capacités sensorielles particulièrement affinées. Une recherche publiée dans le « Journal of Sensory Studies » révèle que les femmes ont souvent une meilleure acuité olfactive que les hommes, ce qui est crucial dans l’art de l’assemblage des rhums et la création de profils aromatiques complexes. Cette sensibilité supérieure aux arômes et aux saveurs permet aux femmes d’innover et de perfectionner les spiritueux de manière unique, contribuant à l’évolution constante de l’industrie.

Une industrie de plus en plus pointue, qui recherche avant tout la qualité du produit plutôt qu’un bon marketing (quoique). Le rhum occupe aujourd’hui une place de choix dans le monde des spiritueux, grâce à sa diversité et à sa capacité d’adaptation des goûts des consommateurs masculins, mais aussi féminins. Et c’est en majeure partie grâce aux mixologistes que de plus en plus de femmes ont pu découvrir l’univers du rhum de mélasse et agricole.

Mixologiste

Mixologie et expertise

La mixologie, art de créer des cocktails, voit également l’émergence de femmes talentueuses qui repoussent les limites de la créativité. Des mixologues comme Ivy Mix, co-fondatrice de Speed Rack, une compétition de mixologie féminine, et auteure de « Spirits of Latin America », mettent en avant l’importance de la diversité et de l’innovation dans le domaine. Leur travail illustre comment la mixologie, en intégrant des rhums de qualité et des approches novatrices, contribue à enrichir l’expérience gustative et culturelle autour du rhum.

Le nombre grandissant de femmes dans le monde du rhum, que ce soit en tant que distillatrices, mixologues, ou dirigeantes, témoigne d’un changement significatif dans l’industrie. Leur expertise et leur passion pour le rhum ne cessent de contribuer à son rayonnement international, prouvant que le monde des spiritueux est non seulement un espace de tradition, mais aussi d’innovation et d’inclusion.

Rhum by Evgeny Karandaev
By Evgeny Karandaev 

En conclusion, l’apport des femmes dans l’industrie du rhum est indéniable. Leur influence croissante apporte une richesse inestimable, faisant évoluer le secteur vers plus de diversité, de qualité et d’innovation. Le monde du rhum, grâce à ces contributions féminines, continue de se réinventer, promettant un avenir riche en saveurs, en histoires et en succès partagés.